Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/301

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Le parti d’Hannon vouloit qu’on livrât Annibal[1] aux Romains. On ne pouvoit, pour lors, craindre les Romains ; on craignoit donc Annibal.

On ne pouvoit croire, dit-on, les succès d’Annibal : mais comment en douter ? Les Carthaginois, répandus par toute la terre, ignoroient-ils ce qui se passoit en Italie ? C’est parce qu’ils ne l’ignoroient pas, qu’on ne vouloit pas envoyer de secours à Annibal.

Hannon devient plus ferme après Trebies, après Trasimenes, après Cannes : ce n’est point son incrédulité qui augmente, c’est sa crainte.


CHAPITRE VII.

Continuation du même sujet.


IL y a encore un inconvénient aux conquêtes faites par les démocraties. Leur gouvernement est toujours odieux aux états assujettis. Il est monarchique par la fiction : mais, dans la vérité, il est plus dur que le monarchique, comme l’expérience de tous les temps & de tous les pays l’a fait voir.

Les peuples conquis y sont dans un état triste ; ils ne jouissent ni des avantages de la république, ni de ceux de la monarchie.

Ce que j’ai dit de l’état populaire se peut appliquer à l’aristocratie.

  1. Hannon vouloit livrer Annibal aux Romains, comme Caton vouloit qu’on livrât César aux Gaulois.