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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/305

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ver le courage de la jeunesse. Il voulut que les garçons laissassent croître leurs cheveux, comme les filles ; qu’ils les ornassent de fleurs, & portassent des robes de différentes couleurs jusqu’aux talons ; que, lorsqu’ils alloient chez leurs maîtres de danse & de musique, des femmes leur portassent des parasols, des parfums & des éventails ; que, dans le bain, elles leur donnassent des peignes & des miroirs. Cette éducation duroit jusqu’à l’âge de vingt ans. Cela ne peut convenir qu’à un petit tyran, qui expose sa souveraineté pour défendre sa vie.


CHAPITRE XIII.

CHARLES XII.


CE prince, qui ne fit usage que de ses seules forces, détermina sa chûte, en formant des desseins qui ne pouvoient être exécutés que par une longue guerre ; ce que son royaume ne pouvoit soutenir.

Ce n’étoit pas un état qui fût dans la décadence ; qu’il entreprit de renverser, mais un empire naissant. Les Moscovites se servirent de la guerre qu’il leur faisoit, comme d’une école. A chaque défaite, ils s’approchoient de la victoire ; &, perdant au-dehors, ils apprenoient à se défendre au-dedans.

Charles se croyoit le maître du monde dans les déserts de la Pologne, où il erroit, & dans lesquels la Suede étoit comme répandue ; pendant que son principal ennemi se fortifioit contre lui, le serroit, s’établissoit sur la mer Baltique, détruisoit ou prenoit la Livonie.

La Suede ressembloit à un fleuve, dont on coupoit les eaux dans sa source, pendant qu’on les détournoit dans son cours.

Ce ne fut point Pultova qui perdit Charles : s’il n’avoit pas été détruit dans ce lieu, il l’auroit été dans un autre. Les accidens de la fortune se réparent aisé-