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CHAPITRE XI.

Des mœurs du peuple vaincu.


DANS ces conquêtes, il ne suffit pas de laisser à la nation vaincue ses loix : il est peut-être plus nécessaire, de lui laisser ses mœurs ; parce qu’un peuple connoît, aime & défend toujours plus ses mœurs que ses loix.

Les François ont été chassés neuf fois de l’Italie, à cause, disent les historiens[1], de leur insolence à l’égard des femmes & des filles. C’est trop, pour une nation, d’avoir à souffrir la fierté du vainqueur, & encore son incontinence, & encore son indiscrétion, sans doute plus fâcheuse, parce qu’elle multiplie à l’infini les outrages.


CHAPITRE XII.

D’une loi de Cyrus.


JE ne regarde pas comme une bonne loi celle que fit Cyrus, pour que les Lydiens ne pussent exercer que des professions viles, ou des professions infames. On va au plus pressé ; on songe aux révoltes, & non pas aux invasions. Mais les invasions viendront bientôt ; les deux peuples s’unissent, ils se corrompent tous les deux. J’aimerois mieux maintenir par les loix la rudesse du peuple vainqueur, qu’entretenir par elles la mollesse du peuple vaincu.

Aristodeme, tyran de Cumes[2], chercha à éner-

  1. Parcourez l’histoire de l’univers, par M. Pufendorff.
  2. Denys d’Halicarnasse, liv. VII.