Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/315

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Certain peuple a long-temps pris la liberté, pour l’usage de porter une longue barbe[1]. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, & en ont exclu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain, l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique, l’ont placée dans la monarchie[2]. Enfin chacun a appellé liberté le gouvernement qui étoit conforme à ses coutumes ou à ses inclinations. Et comme, dans une république, on n’a pas toujours devant les yeux, & d’une maniere si présente, les instrumens des maux dont on se plaint, & que même les loix paroissent y parler plus, & les exécuteurs de la loi y parler moins ; on la place ordinairement dans les républiques, & on l’a exclue des monarchies. Enfin, comme, dans les démocraties, le peuple paroît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernemens ; & on a confondu le pouvoir du peuple, avec la liberté du peuple.


CHAPITRE III.

Ce que c’est que la liberté.


IL est vrai que, dans les démocraties, le peuple paroît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un état, c’est-à-dire, dans une société ou il y a des loix, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, & à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit, pas vouloir. Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, & ce que c’est que la liberté. La liberté

  1. Les Moscovites ne pouvoient souffrir que le czar Pierre la leur fit couper.
  2. Les Cappadociens refuserent l’état républicain, que leur offrirent les Romains.