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LIVRE XIII.

Des rapports que la levée des tributs, & la grandeur des revenus publics, ont avec la liberté.


CHAPITRE PREMIER.

Des revenus de l’état.


LES REVENUS de l’état sont une portion que chaque citoyen donne de son bien, pour avoir la sûreté de l’autre, ou pour en jouir agréablement.

Pour bien fixer ces REVENUS, il faut avoir égard & aux nécessités de l’état, & aux nécessités des citoyens. Il ne faut point prendre au peuple sur ses besoins réels, pour des besoins de l’état imaginaires.

Les besoins imaginaires sont ce que demandent les passions & les foiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d’un projet extraordinaire, l’envie malade d’une vaine gloire, & une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies. Souvent ceux qui, avec un esprit inquiet, étoient sous le prince à la tête des affaires, ont pensé que les besoins de l’état étoient les besoins de leurs petites ames.

Il n’y a rien que la sagesse & la prudence doivent plus régler, que cette portion qu’on ôte, & cette portion qu’on laisse aux sujets.

Ce n’est point à ce que le peuple peut donner, qu’il faut mesurer les revenus publics ; mais à ce qu’il doit donner : &, si on les mesure à ce qu’il peut donner, il faut que ce soit du moins à ce qu’il peut toujours donner.