Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/397

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portion dans les fruits de la terre, une taxe par tête, un tribut de tant pour cent sur les marchandises, sont les seuls convenables.

Il est bon, dans le gouvernement despotique, que les marchands aient une sauve-garde personnelle, & que l’usage les fasse respecter : sans cela, ils seroient trop foibles dans les discussions qu’ils pourroient avoir avec les officiers du prince.


CHAPITRE XI.

Des peines fiscales.


C’EST une chose particuliere aux peines fiscales, que, contre la pratique générale, elles sont plus séveres en Europe qu’en Asie. En Europe, on confisque les marchandises, quelquefois même les vaisseaux & les voitures ; en Asie, on ne fait ni l’un ni l’autre. C’est qu’en Europe, le marchand a des juges qui peuvent le garantir de l’opposition ; en Asie, les juges despotiques seroient eux-mêmes les oppresseurs. Que feroit le marchand contre un bacha qui auroit résolu de confisquer les marchandises ?

C’est la vexation qui se surmonte elle-même, & se voit contrainte à une certaine douceur. En Turquie, on ne leve qu’un seul droit d’entrée ; après quoi, tout le pays est ouvert aux marchands. Les déclarations fausses n’emportent ni confiscation ni augmentation de droits. On n’ouvre[1] point, à la Chine, les balots des gens qui ne sont pas marchands. La fraude, chez le Mogol, n’est point punie par la confiscation, mais par le doublement du droit. Les princes[2] Tartares, qui habitent des villes dans l’Asie, ne levent presque rien sur les marchandises qui passent. Que si, au Japon, le crime


  1. Du Halde, tome II, page 37.
  2. Histoire des Tattars, troisieme partie, pag. 290.