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de fraude dans le commerce est un crime capital, c’est qu’on a des raisons pour défendre toute communication avec les étrangers ; & que la fraude[1] y est plutôt une contravention aux loix faites pour la sûreté de l’état, qu’à des loix de commerce.


CHAPITRE XII.

Rapport à la grandeur des tributs avec la liberté.


REGLE GÉNÉRALE : on peut lever des tributs plus forts, à proportion de la liberté des sujets ; & l’on est forcé de les modérer, à mesure que la servitude augmente. Cela a toujours été, & cela sera toujours. C’est une regle tirée de la nature, qui ne varie point : on la trouve par tous les pays, en Angleterre, en Hollande, & dans tous les états où la liberté va se dégradant, jusqu’en Turquie. La Suisse semble y déroger, parce qu’on n’y paie point de tributs : mais on en sçait la raison particuliere, & même elle confirme ce que je dis. Dans ces montagnes stériles, les vivres sont si chers, & le pays est si peuplé, qu’un Suisse paie quatre fois plus à la nature, qu’un Turc ne paie au sultan.

Un peuple dominateur, tel qu’étoient les Athéniens & les Romains, peut s’affranchir de tout impôt, parce qu’il regne sur des nations sujettes. Il ne paie pas pour lors à proportion de sa liberté ; parce qu’à cet égard il n’est pas un peuple, mais un monarque.

Mais la regle générale reste toujours. Il y a, dans les états modérés, un dédommagement pour la pesan-

teur
  1. Voulant avoir un commerce avec les étrangers, sans se communiquer avec eux, ils ont choisi deux nations ; la Hollandoise, pour le commerce de l’Europe ; & la Chinoise, pour celui de l’Asie : ils tiennent dans une espece de prison les facteurs & les matelots, & les gênent jusqu’à faire perdre patience.