vin étoit aussi une loi du climat ; effectivement le climat de ces deux pays est, à peu près, le même.
Une pareille loi ne seroit pas bonne dans les pays froids, où le climat semble forcer à une certaine ivrognerie de nation, bien différente de celle de la personne. L’ivrognerie se trouve établie par toute la terre, dans la proportion de la froideur & de l’humidité du climat. Passez de l’équateur jusqu’à notre pôle, vous y verrez l’ivrognerie augmenter avec les degrés de latitude. Passez du même équateur au pôle opposé, vous y trouverez l’ivrognerie aller vers le midi[1], comme de ce côté-ci elle avoit été vers le nord.
Il est naturel que, là où le vin est contraire au climat, & par conséquent à la santé, l’excès en soit plus sévérement puni, que dans les pays où l’ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne ; où elle en a peu pour la société ; où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulement stupides. Ainsi les loix[2] qui ont puni un homme ivre, & pour la faute qu’il faisoit & pour l’ivresse, n’étoient appliquables qu’à l’ivrognerie de la personne, & non à l’ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.
Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande transpiration des liquides : mais les parties solides se dissipent moins. Les fibres, qui n’ont qu’une action très-foible & peu de ressort, ne s’usent gueres ; il faut peu de suc nourricier pour les réparer : on y mange donc très-peu.
Ce font les différens besoins, dans les différens climats, qui ont formé les différentes manieres de vivre ; & ces différentes manieres de vivre ont formé les diverses sortes de loix. Que, dans une nation, les hommes se communiquent beaucoup, il faut de certaines loix ; il en faut d’autres, chez un peuple où l’on ne se communique point.