ques-uns des principaux seigneurs[1] n’ont pas moins de mille esclaves, qui sont des principaux marchands, qui ont aussi beaucoup d’esclaves sous eux ; & ceux-ci beaucoup d’autres : on en hérite, & on les fait trafiquer. Dans ces états, les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir les esclaves de ceux qui tyrannisent le gouvernement.
C’est là l’origine juste, & conforme à la raison, de ce droit d’esclavage très-doux que l’on trouve dans quelques pays : & il doit être doux, parce qu’il est fondé sur le choix libre qu’un homme, pour son utilité, se fait d’un maître ; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.
CHAPITRE VII.
Autre origine du droit de l’esclavage.
VOICI une autre origine du droit de l’esclavage, & même de cet esclavage cruel que l’on voit parmi les
hommes.
Il y a des pays où la chaleur énerve le corps, & affoiblit si fort le courage, que les hommes ne sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment : l’esclavage y choque donc moins la raison ; & le maître y étant aussi lâche à l’égard de son prince, que son esclave l’est à son égard, l’esclavage civil y est encore accompagné de l’esclavage politique.
Aristote[2] veut dire qu’il y a des esclaves par nature ; & ce qu’il dit ne le prouve gueres. Je crois que, s’il y en a de tels, ce sont ceux dont je viens de parler.