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LIVRE XVIII.

Des loix, dans le rapport qu’elles ont avec la nature du terrein.


CHAPITRE PREMIER.

Comment la nature du terrein influe sur les loix.


LA bonté des terres d’un pays y établit naturellement la dépendance. Les gens de la campagne, qui y sont la principale partie du peuple, ne sont pas si jaloux de leur liberté : ils sont trop occupés, & trop pleins de leurs affaires particulieres. Une campagne qui regorge de biens craint le pillage, elle craint une armée. « Qui est-ce qui forme le bon parti, disoit Cicéron à Atticus[1] ? Seront-ce les gens de commerce & de la campagne ? à moins que nous n’imaginions qu’ils sont opposés à la monarchie, eux à qui tous les gouvernemens sont égaux, dès-lors qu’ils sont tranquilles. »

Ainsi le gouvernement d’un seul se trouve plus souvent dans les pays fertiles, & le gouvernement de plusieurs dans les pays qui ne le sont pas ; ce qui est quelquefois un dédommagement.

La stérilité du terrein de l’Attique y établit le gouvernement populaire ; & la fertilité de celui de Lacédémone, le gouvernement aristocratique. Car, dans ces temps-là, on ne vouloit point, dans la Grece, du gouvernement d’un seul : or, le gouvernement aristocratique a plus de rapport avec le gouvernement d’un seul.


  1. Liv. VII.