Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/475

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Plutarque[1] nous dit que la sédition Cilonienne ayant été appaisée à Athenes, la ville retomba dans ses anciennes dissensions, & se divisa en autant de partis qu’il y avoit de sortes de territoires dans le pays de l’Attique. Les gens de la montagne vouloient, à toute force, le gouvernement populaire ; ceux de la plaine demandoient le gouvernement des principaux ; ceux qui étoient près de la mer étoient pour un gouvernement mêlé des deux.


CHAPITRE II.

Continuation du même sujet.


CES pays fertiles sont des plaines, où l’on ne peut rien disputer au plus fort : on se soumet donc à lui ; &, quand on lui est soumis, l’esprit de liberté n’y sçauroit revenir ; les biens de la campagne sont un gage de la fidélité. Mais, dans les pays de montagnes, on peut conserver ce que l’on a, & l’on a peu à conserver. La liberté, c’est-à-dire, le gouvernement dont on jouit, est le seul bien qui mérite qu’on le défende. Elle regne donc plus dans les pays montagneux & difficiles, que dans ceux que la nature sembloit avoir plus favorisés.

Les montagnards conservent un gouvernement plus modéré, parce qu’ils ne sont pas si fort exposés à la conquête. Ils se défendent aisément, ils sont attaqués difficilement ; les munitions de guerre & de bouche sont assemblées & portées contre eux avec beaucoup de dépense ; le pays n’en fournit point. Il est donc plus difficile de leur faire la guerre, plus dangereux de l’entreprendre ; & toutes les loix que l’on fait pour la sûreté du peuple y ont moins de lieu.

  1. Vie de Solon.