Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils ne peuvent gueres former une grande nation. S’ils sont pasteurs, ils ont besoin d’un grand pays, pour qu’ils puissent subsister en certain nombre : s’ils sont chasseurs, ils sont encore en plus petit nombre ; & forment, pour vivre, une plus petite nation.

Leur pays est ordinairement plein de forêts ; &, comme les hommes n’y ont point donné de cours aux eaux, il est rempli de marécages, où chaque troupe se cantonne & forme une petite nation.


CHAPITRE XI.

Des peuples sauvages, & des peuples barbares.


IL y a cette différence entre les peuples sauvages & les peuples barbares, que les premiers sont de petites nations dispersées, qui, par quelques raisons particulieres, ne peuvent pas se réunir ; au lieu que les barbares sont ordinairement de petites nations qui peuvent se réunir. Les premiers sont ordinairement des peuples chasseurs ; les seconds, des peuples pasteurs. Cela se voit bien dans le nord de l’Asie. Les peuples de la Sibérie ne sçauroient vivre en corps, parce qu’ils ne pourroient se nourrir ; les Tartares peuvent vivre en corps pendant quelque temps, parce que leurs troupeaux peuvent être rassemblés pendant quelque temps. Toutes les hordes peuvent donc se réunir ; & cela se fait lorsqu’un chef en a soumis beaucoup d’autres : après quoi, il faut qu’elles fassent de deux choses l’une, qu’elles se séparent, ou qu’elles aillent faire quelque grande conquête dans quelque empire du midi.