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CHAPITRE XXII.

D’une loi civile des peuples Germains.


J’EXPLIQUERAI ici comment ce texte particulier de la loi salique, que l’on appelle ordinairement la loi salique, tient aux institutions d’un peuple qui ne cultivoit point les terres, ou du moins qui les cultivoit peu.

La loi salique[1] veut que, lorsqu’un homme laisse des enfans, les mâles succedent à la terre salique, au préjudice des filles.

Pour sçavoir ce que c’étoit que les terres saliques, il faut chercher ce que c’étoit que les propriétés ou l’usage des terres chez les Francs, avant qu’ils fussent sortis de la Germanie.

M. Echard a très-bien prouvé que le mot salique vient du mot sala, qui signifie maison ; & qu’ainsi la terre salique étoit la terre de la maison. J’irai plus loin ; & j’examinerai ce que c’étoit que la maison, & la terre de la maison, chez les Germains.

"Ils n’habitent point de villes, dit Tacite[2], & ils ne peuvent souffrir que leurs maisons se touchent les unes les autres ; chacun laisse autour de sa maison un petit terrein ou espace, qui est clos & fermé." Tacite parloit exactement. Car plusieurs loix des codes[3] barbares ont des dispositions différentes contre ceux qui renversoient cette enceinte, & ceux qui pénétroient dans la maison même.


  1. Tit. 62.
  2. Nullas Germanorum populis urbes habitari notum est, ne pati quidem inter se junctas sedes ; colunt discreti, ut nemuns placuit. Vicos locant, non in nostrum morem connexis & coherentibus ædificiis ; suam quisque domum spatio circumdat. De morib. Gem.
  3. La loi des Allemands, chap. X ; & la loi des Bavarois, tit. 10, §. l & 2.