Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/605

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gent, ce métal si utile au commerce, comme signe, fut encore la base du plus grand commerce de l’univers, comme marchandise. Enfin, la navigation d’Afrique devint nécessaire ; elle fournissoit des hommes pour le travail des mines & des terres de l’Amérique.

L’Europe est parvenue à un si haut degré de puissance, que l’histoire n’a rien à comparer là-dessus ; si l’on considere l’immensité des dépenses, la grandeur des engagemens, le nombre des troupes, & la continuité de leur entretien, même lorsqu’elles sont le plus inutiles, & qu’on ne les a que pour l’ostentation.

Le pere du Halde[1] dit que le commerce intérieur de la Chine est plus grand que celui de toute l’Europe. Cela pourroit être, si notre commerce extérieur n’augmentoit pas l’intérieur. L’Europe fait le commerce & la navigation des trois autres parties du monde ; comme la France, l’Angleterre & la Hollande sont, à peu près, la navigation & le commerce de l’Europe.


CHAPITRE XXII.

Des richesses que l’Espagne tira de l’Amérique.


SI l’Europe[2] a trouvé tant d’avantages dans le commerce de l’Amérique, il seroit naturel de croire que l’Espagne en auroit reçu de plus grands. Elle tira du monde nouvellement découvert une quantité d’or & d’argent si prodigieuse, que ce que l’on en avoit eu jusqu’alors ne pouvoit y être comparé.

Mais (ce qu’on n’auroit jamais soupçonné) la misere la fit échouer presque par-tout. Philippe II, qui succéda


  1. Tome II, page 170.
  2. Ceci parut, il y a plus de vingt ans, dans un petit ouvrage manuscrit de l’auteur, qui a été presque fondu dans celui-ci.