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CHAPITRE V.

Que la religion catholique convient mieux à une monarchie, & que la protestante s’accommode mieux d’une république.


LORSQU’UNE religion naît & se forme dans un état, elle suit ordinairement le plan du gouvernement où elle est établie : car les hommes qui la reçoivent, & ceux qui la font recevoir, n’ont gueres d’autres idées de police que celle de l’état dans lequel ils sont nés.

Quand la religion chrétienne souffrit, il y a deux siecles, ce malheureux partage qui la divisa en catholique & en protestante, les peuples du nord embrasserent la protestante, & ceux du midi garderent la catholique.

C’est que les peuples du nord ont & auront toujours un esprit d’indépendance & de liberté, que n’ont pas les peuples du midi ; & qu’une religion qui n’a point de chef visible, convient mieux à l’indépendance du climat, que celle qui en a un.

Dans les pays même où la religion protestante s’établit, les révolutions se firent sur le plan de l’état politique. Luther ayant pour lui de grands princes n’auroit gueres pu leur faire goûter une autorité ecclésiastique qui n’auroit point eu de prééminence extérieure ; & Calvin ayant pour lui des peuples qui vivoient dans des républiques, ou des bourgeois obscurcis dans des monarchies, pouvoit fort bien ne pas établir des prééminences & des dignités.

Chacune de ces deux religions pouvoit se croire la plus parfaite : la calviniste se jugeant plus conforme à ce que Jesus-Christ avoit dit, & la luthérienne à ce que les apôtres avoient fait.

CHA-