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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/106

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Quand, par exemple, elle donne des regles, non pas pour le bien, mais pour le meilleur ; non pas pour ce qui est bon, mais pour ce qui est parfait ; il est convenable que ce soient des conseils, & non pas des loix : car la perfection ne regarde pas l’universalité des hommes ni des choses. De plus, si ce sont des loix, il en faudra une infinité d’autres pour faire observer les premières. Le célibat fut un conseil du christianisme : lorsqu’on en fit une loi pour un certain ordre de gens, il en fallut chaque jour de nouvelles pour réduire les hommes à l’observation de celle-ci[1]. Le législateur se fatigua, il fatigua la société, pour faire exécuter aux hommes par précepte, ce que ceux qui aiment la perfection auroient exécuté comme conseil.


CHAPITRE VIII.

De l’accord des loix de la morale avec celles de la religion.


DANS un pays où l’on a le malheur d’avoir une religion que dieu n’a pas donnée, il est toujours nécessaire qu’elle s’accorde avec la morale ; parce que la religion, même fausse, est le meilleur garant que les hommes puissent avoir de la probité des hommes.

Les points principaux de la religion de ceux de Pégu, sont de ne point tuer, de ne point voler, d’éviter l’impudicité, de ne faire aucun déplaisir à son prochain, de lui faire au contraire tout le bien qu’on peut[2]. Avec cela ils croient qu’on se sauvera, dans quelque


  1. Voyez la bibliotheque des auteurs ecclésiastiques du sixieme siecle, tome V, par M. Dupin.
  2. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tom. III, part. I, pag. 63.