Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/108

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Faites, pour un moment, abstraction des vérités révélées ; cherchez dans toute la nature, & vous n’y trouverez pas de plus grand objet que les Antonin. Julien même, Julien (un suffrage ainsi arraché ne me rendra point complice de son apostasie); non, il n’y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes.

Pendant que les Stoïciens regardoient comme une chose vaine les richesses, les grandeurs humaines, la douleur, les chagrins, les plaisirs ; ils n’étoient occupés qu’à travailler au bonheur des hommes, à exercer les devoirs de la société : il sembloit qu’ils regardassent cet esprit sacré, qu’ils croyoient être en eux-mêmes, comme une espece de providence favorable qui veilloit sur le genre humain.

Nés pour la société , ils croyoient tous que leur destin étoit de travailler pour elle : d’autant moins à charge, que leurs récompenses étoient toutes dans eux-mêmes ; qu’heureux par leur philosophie seule, il sembloit que le seul bonheur des autres pût augmenter le leur.


CHAPITRE XI.

De la contemplation.


LES hommes étant faits pour se conserver, pour se nourrir, pour se vêtir, & faire toutes les actions de la société, la religion ne doit pas leur donner une vie trop contemplative[1].

Les Mahométans deviennent spéculatifs par habitude ; ils prient cinq fois le jour, & chaque fois il faut qu’ils fassent un acte, par lequel ils jettent derriere leur dos tout ce qui appartient à ce monde : cela les forme à la spéculation. Ajoutez à cela cette indifférence pour toutes choses, que donne le dogme d’un destin rigide.


  1. C’est l’inconvénient de la doctrine de Foë & de Laockium.