lorsque l’état est satisfait de la religion déjà établie, de ne point souffrir l’établissement d’une autre (a). Voici donc le principe fondamental des loix politi- ques en fait de religion. Quand on est maître de re- cevoir, dans un état, une nouvelle religion, ou de ne la pas recevoir, il ne faut pas l’y établir ; quand elle y est établie, il faut la tolérer.
(a) Je ne parle point, dans tout ce chapitre, de ! a religion chrétienne ; parce que, comme j’ai dit ailleurs, la religion chrétienne est le premier bien. Voyez la fin du chap. I du livre précédent, & la défense de l’esprit des loix, part. II.
CHAPITRE XI. Du changement de religion.
UN prince qui entreprend, dans son état, de dé- truire ou de changer la religion dominante, s’expose beaucoup. Si son gouvernement est despotique, il court plus de risque de voir une révolution, que par quel- que tyrannie que ce soit, qui n’est jamais, dans ces sortes d’états, une chose nouvelle. La révolution vient de ce qu’un état ne change pas de religion, de mœurs & de manières dans un instant, & aussi vite que le prince publie l’ordonnance qui établit une religion nouvelle. De plus, la religion ancienne est liée avec la cons- titution de l’état, & la nouvelle n’y tient point : celle-là s’accorde avec le climat, & souvent la nouvelle s’y refuse. Il y a plus : les citoyens se dégoûtent de leurs loix ; ils prennent du mépris pour le gouvernement déjà établi ; on substitue des soupçons contre les deux reli- gions, à une ferme croyance pour une ; en un mot, on donne à l’état, au moins pour quelque temps, & de mauvais citoyens, & de mauvais fideles.