Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/203

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et, à l’imitation des Romains, elles rédigèrent leurs usages par écrit, et en firent des codes. Les règnes malheureux qui suivirent celui de Charlemagne, les invasions des Normands, les guerres intestines replongèrent les nations victorieuses dans les ténèbres dont elles étoient sorties ; on ne sut plus lire ni écrire. Cela fit oublier en France et en Allemagne les lois barbares écrites, le droit romain et les capitulaires. L’usage de l’écriture se conserva mieux en Italie, où régnoient les papes et les empereurs grecs, et où il y avoit des villes florissantes, et presque le seul commerce qui se fît pour lors. Ce voisinage de l’Italie fit que le droit romain se conserva mieux dans les contrées de la Gaule autrefois soumises aux Goths et aux Bourguignons ; d’autant plus que ce droit y étoit une loi territoriale et une espèce de privilège. Il y a apparence que c’est l’ignorance de l’écriture qui fit tomber en Espagne les lois wisigothes. Et, par la chute de tant de lois, il se forma partout des coutumes.

Les lois personnelles tombèrent. Les compositions et ce que l’on appeloit freda se réglèrent plus par la coutume que par le texte de ces lois. Ainsi, comme dans l’établissement de la monarchie, on avoit passé des usages des Germains à des lois écrites ; on revint, quelques siècles après, des lois écrites à des usages non écrits.