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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/212

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publiques, pouvoient bien penser qu’il pourroit encore régler les différends des particuliers.

Gondebaud, roi de Bourgogne, fut de tous les rois celui qui autorisa le plus l’usage du combat. Ce prince rend raison de sa loi dans sa loi même : « C’est, dit-il, afin que nos sujets ne fassent plus de serment sur des faits obscurs, et ne se parjurent point sur des faits certains. » Ainsi, tandis que les ecclésiastiques déclaroient impie la loi qui permettoit le combat, la loi des Bourguignons regardoit comme sacrilège celle qui établissoit le serment.

La preuve par le combat singulier avoit quelque raison fondée sur l’expérience. Dans une nation uniquement guerrière, la poltronnerie suppose d’autres vices ; elle prouve qu’on a résisté à l’éducation qu’on a reçue, et que l’on n’a pas été sensible à l’honneur, ni conduit par les principes qui ont gouverné les autres hommes ; elle fait voir qu’on ne craint point leur mépris, et qu’on ne fait point de cas de leur estime : pour peu qu’on soit bien né, on n’y manquera pas ordinairement de l’adresse qui doit s’allier avec la force, ni de la force qui doit concourir avec le courage ; parce que, faisant cas de l’honneur, on se sera toute sa vie exercé à des choses sans lesquelles on ne peut l’obtenir. De plus, dans une nation guerrière, où la force, le courage et la prouesse sont en honneur, les crimes véritablement odieux sont ceux qui naissent de la fourberie, de la finesse et de la ruse, c’est-à-dire de la poltronnerie.

Quant à la preuve par le feu, après que l’accusé avoit mis la main sur un fer chaud, ou dans l’eau bouillante, on enveloppoit la main dans un sac que l’on cachetoit : si, trois jours après, il ne paraissoit pas de marque de brûlure, on étoit déclaré innocent. Qui ne voit que, chez un peuple exercé à manier des armes, la peau rude et calleuse ne devoit pas recevoir assez l’impression du fer chaud ou de l’eau bouillante, pour qu’il y parût