Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/213

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trois jours après ? Et, s’il y paraissoit, c’étoit une marque que celui qui faisoit l’épreuve étoit un efféminé. Nos paysans, avec leurs mains calleuses, manient le fer chaud comme ils veulent. Et, quant aux femmes, les mains de celles qui travailloient pouvoient résister au fer chaud. Les dames ne manquoient point de champions pour les défendre  ; et, dans une nation où il n’y avoit point de luxe, il n’y avoit guère d’état moyen.

Par la loi des Thuringiens, une femme accusée d’adultère n’étoit condamnée à l’épreuve par l’eau bouillante, que lorsqu’il ne se présentoit point de champion pour elle ; et la loi des Ripuaires n’admet cette épreuve que lorsqu’on ne trouve pas de témoins pour se justifier. Mais une femme qu’aucun de ses parents ne voulait défendre, un homme qui ne pouvoit alléguer aucun témoignage de sa probité, étoient par cela même déjà convaincus.


Je dis donc que, dans les circonstances des temps où la preuve par le combat et la preuve par le fer chaud et l’eau bouillante furent en usage, il y eut un tel accord de ces lois avec les mœurs, que ces lois produisirent moins d’injustices qu’elles ne furent injustes ; que les effets furent plus innocents que les causes ; qu’elles choquèrent plus l’équité qu’elles n’en violèrent les droits ; qu’elles furent plus déraisonnables que tyranniques.


Chapitre XVIII.

Comment la preuve par le combat s’étendit


On pour-roit conclure de la lettre d’Agobard à Louis le Débonnaire, que la preuve par le combat n’étoit point en usage chez les Francs, puisque après avoir remontré