Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/214

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à ce prince les abus de la loi de Gondebaud, il demande qu’on juge en Bourgogne les affaires par la loi des Francs. Mais, comme on sait d’ailleurs que, dans ce temps-là, le combat judiciaire étoit en usage en France, on a été dans l’embarras. Cela s’explique par ce que j’ai dit : la loi des Francs saliens n’admettoit point cette preuve, et celle des Francs ripuaires la recevoit. Mais, malgré les clameurs des ecclésiastiques, l’usage du combat judiciaire s’étendit tous les jours en France ; et je vais prouver tout à l’heure que ce furent eux-mêmes qui y donnèrent lieu en grande partie.

C’est la loi des Lombards qui nous fournit cette preuve. « Il s’étoit introduit depuis longtemps une détestable coutume (est-il dit dans le préambule de la constitution d’Othon II) ; c’est que, si la chartre de quelque héritage étoit attaquée de faux, celui qui la présentoit faisoit serment sur les Évangiles qu’elle étoit vraie ; et, sans aucun jugement préalable, il se rendoit propriétaire de l’héritage : ainsi les parjures étoient sûrs d’acquérir. » Lorsque l’empereur Othon 1er se fit couronner à Rome, le pape Jean XII tenant un concile, tous les seigneurs d’Italie s’écrièrent qu’il falloit que l’empereur fît une loi pour corriger cet indigne abus. Le pape et l’empereur jugèrent qu’il falloit renvoyer l’affaire au concile qui devoit se tenir peu de temps après à Ravenne. Là, les seigneurs firent les mêmes demandes, et redoublèrent leurs cris ; mais, sous prétexte de l’absence de quelques personnes, on renvoya encore une fois cette affaire. Lorsque Othon II,