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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/233

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crime de félonie ; on n’insultoit que ses pairs, à qui on pouvoit toujours faire raison de l’insulte.

On s’exposoit beaucoup en faussant le jugement des pairs. Si l’on attendoit que le jugement fût fait et prononcé, on étoit obligé de les combattre tous, lorsqu’ils offroient de faire le jugement bon. Si l’on appeloit avant que tous les juges eussent donné leur avis, il falloit combattre tous ceux qui étoient convenus du même avis. Pour éviter ce danger, on supplioit le seigneur d’ordonner que chaque pair dît tout haut son avis ; et, lorsque le premier avoit prononcé, et que le second alloit en faire de même, on lui disoit qu’il étoit faux, méchant et calomniateur ; et ce n’étoit plus que contre lui qu’on devoit se battre.

Desfontaines vouloit qu’avant de fausser, on laissât prononcer trois juges ; et il ne dit point qu’il fallût les combattre tous trois, et encore moins qu’il y eût des cas où il fallût combattre tous ceux qui s’étoient déclarés pour leur avis. Ces différences viennent de ce que, dans ces temps-là, il n’y avoit guère d’usages qui fussent précisément les mêmes. Beaumanoir rendoit compte de ce qui se passoit dans le comté de Clermont, Desfontaines de ce qui se pratiquoit en Vermandois.

Lorsqu’un des pairs ou homme de fief avoit déclaré qu’il soutiendroit le jugement, le juge faisoit donner les gages de bataille, et de plus prenoit sûreté de l’appelant qu’il soutiendroit son appel. Mais le pair qui étoit appelé ne donnoit point de sûretés, parce qu’il étoit homme du seigneur, et devoit défendre l’appel, ou payer au seigneur une amende de soixante livres.

Si celui qui appeloit ne prouvoit pas que le juge-