Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/245

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prérogative, que les affaires n’étoient jamais tirées de leurs cours, à moins qu’on ne s’exposât au danger de les fausser. Saint Louis maintint cet usage de fausser ; mais il voulut qu’on pût fausser sans combattre : c’est-à-dire que, pour que le changement se fit moins sentir, il ôta la chose, et laissa subsister les ter-mes.

Ceci ne fut pas universellement reçu dans les cours des seigneurs. Beaumanoir dit que, de son temps, il y avoit deux manières de juger : l’une suivant l’Établissement-le-roi, et l’autre suivant la pratique ancienne ; que les seigneurs avoient droit de suivre l’une ou l’autre de ces pratiques ; mais que quand, dans une affaire, on en avoit choisi une, on ne pouvoit plus revenir à l’autre. Il ajoute que le comte de Clermont suivoit la nouvelle pratique tandis que ses vassaux se tenoient à l’ancienne ; mais qu’il pourroit, quand il voudroit, rétablir l’ancienne, sans quoi il auroit moins d’autorité que ses vassaux.

Il faut savoir que la France étoit pour lors divisée en pays du domaine du roi, et en ce qu’on appeloit pays des barons, ou en baronnies ; et, pour me servir des termes des Établissements de saint Louis, en pays de l’obéissance-le-roi, et en pays hors l’obéissance-le-roi. Quand les rois faisoient des ordonnances pour les pays de leurs domaines, ils n’employoient que leur seule autorité ; mais, quand ils en faisoient qui regardoient aussi les pays de leurs barons, elles étoient faites de concert avec eux, ou scellées ou souscrites d’eux  ; sans cela, les barons les recevoient, ou ne