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Chapitre XXXIV.

Comment la procédure devint secrète


Les duels avoient introduit une forme de procédure publique ; l’attaque et la défense étoient également connues. « Les témoins, dit Beaumanoir, doivent dire leur témoignage devant tous. »

Le commentateur de Boutillier dit avoir appris d’anciens praticiens, et de quelques vieux procès écrits à la main, qu’anciennement, en France, les procès criminels se faisoient publiquement, et en une forme non guère différente des jugements publics des Romains. Ceci étoit lié avec l’ignorance de l’écriture, commune dans ces temps-là. L’usage de l’écriture arrête les idées, et peut faire établir le secret ; mais, quand on n’a point cet usage, il n’y a que la publicité de la procédure qui puisse fixer ces mêmes idées.

Et, comme il pouvoit y avoir de l’incertitude sur ce qui avoit été jugé par hommes, ou plaidé devant hommes, on pouvoit en rappeler la mémoire toutes les fois qu’on tenoit la cour, par ce qui s’appeloit la procédure par record  ; et, dans ce cas, il n’étoit pas permis d’appeler les témoins au combat ; car les affaires n’auroient jamais eu de fin.

Dans la suite, il s’introduisit une forme de procéder secrète. Tout étoit public : tout devint caché, les interrogatoires, les informations, le récolement, la confrontation, les conclusions de la partie publique ; et c’est l’usage d’aujourd’hui. La première forme de procéder convenoit au gouvernement d’alors, comme la