Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’ancienne jurisprudence, et le second d’en former une nouvelle. Mais les inconvénients de celle-ci ayant paru, on en vit bientôt succéder une autre.

Ainsi les lois de saint Louis changèrent moins la jurisprudence française, qu’elles ne donnèrent des moyens pour la changer : elles ouvrirent de nouveaux tribunaux, ou plutôt des voies pour y arriver ; et, quand on put par-venir aisément à celui qui avoit une autorité générale, les jugements, qui auparavant ne faisoient que les usages d’une seigneurie particulière, formèrent une jurisprudence universelle. On étoit parvenu, par la force des établissements, à avoir des décisions générales, qui manquoient entièrement dans le royaume ; quand le bâtiment fut construit, on laissa tomber l’échafaud.

Ainsi les lois que fit saint Louis eurent des effets qu’on n’auroit pas dû attendre du chef-d’œuvre de la législation. Il faut quelquefois bien des siècles pour préparer les changements ; les événements mûrissent, et voilà les révolutions.

Le parlement jugea en dernier ressort de presque toutes les affaires du royaume. Auparavant il ne jugeoit que de celles qui étoient entre les ducs, comtes, barons, évêques, abbés, ou entre le roi et ses vassaux, plutôt dans le rapport qu’elles avoient avec l’ordre politique, qu’avec l’ordre civil. Dans la suite, on fut obligé de le rendre sédentaire, et de le tenir toujours assemblé ; et enfin, on en créa plusieurs, pour qu’ils pussent suffire à toutes les affaires.

À peine le parlement fut-il un corps fixe, qu’on commença à compiler ses arrêts. Jean de Monluc, sous le règne de Philippe le Bel, fit le recueil qu’on appelle aujourd’hui les registres Olim.