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Chapitre XL.

Comment on prit les formes judiciaires des décrétales


Mais d’où vient qu’en abandonnant les formes judiciaires établies, on prit celles du droit canonique plutôt que celles du droit romain ? C’est qu’on avoit toujours devant les yeux les tribunaux clercs, qui suivoient les formes du droit canonique, et que l’on ne connaissoit aucun tribunal qui suivît celles du droit romain. De plus, les bornes de la juridiction ecclésiastique et de la séculière étoient, dans ces temps-là, très peu connues : il y avoit des gens qui plaidoient indifféremment dans les deux cours  ; il y avoit des matières pour lesquelles on plaidoit de même. Il semble que la juridiction laie ne se fût gardé, privativement à l’autre, que le jugement des matières féodales, et des crimes commis par les laïques dans les cas qui ne choquoient pas la religion . Car si, pour raison des conventions et des contrats, il falloit aller à la justice laie, les parties pouvoient volontairement procéder devant les tribunaux clercs, qui, n’étant pas en droit d’obliger la justice laie à faire exécuter la sentence, contraignoient d’y obéir par voie d’excommunication. Dans ces circonstances, lorsque, dans les tribunaux laïques, on voulut changer de pratique, on prit celle des clercs, parce qu’on la savoit ; et on