Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/267

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devint moins en usage  ; celle de juger par baillis s’étendit. Les baillis ne jugeoient pas  : ils faisoient l’instruction, et prononçoient le jugement des prud’hommes ; mais les prud’hommes n’étant plus en état de juger, les baillis jugèrent eux-mêmes.

Cela se fit d’autant plus aisément qu’on avoit devant les yeux la pratique des juges d’église : le droit canonique et le nouveau droit civil concoururent également à abolir les pairs.

Ainsi se perdit l’usage, constamment observé dans la monarchie, qu’un juge ne jugeoit jamais seul, comme on le voit par les lois saliques, les capitulaires, et par les premiers écrivains de pratique de la troisième race. L’abus contraire, qui n’a lieu que dans les justices locales, a été modéré, et en quelque façon corrigé, par l’introduction en plusieurs lieux d’un lieutenant du juge, que celui-ci consulte, et qui représente les anciens prud’hommes ; par l’obligation où est le juge de prendre deux gradués dans les cas qui peuvent mériter une peine afflictive ; et enfin il est devenu nul par l’extrême facilité des appels.