Aller au contenu

Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Chapitre XLIII.

Continuation du même sujet


Ainsi ce ne fut point une loi qui défendit aux seigneurs de tenir eux-mêmes leur cour ; ce ne fut point une loi qui abolit les fonctions que leurs pairs y avoient ; il n’y eut point de loi qui ordonnât de créer des baillis ; ce ne fut point par une loi qu’ils eurent le droit de juger. Tout cela se fit peu à peu, et par la force de la chose. La connaissance du droit romain, des arrêts des cours, des corps de coutumes nouvellement écrites, demandoit une étude dont les nobles et le peuple sans lettres n’étoient point capables.

La seule ordonnance que nous ayons sur cette matière, est celle qui obligea les seigneurs de choisir leurs baillis dans l’ordre des laïques. C’est mal à propos qu’on l’a regardée comme la loi de leur création ; mais elle ne dit que ce qu’elle dit. De plus, elle fixe ce qu’elle prescrit par les raisons qu’elle en donne : « C’est afin, est-il dit, que les baillis puissent être punis de leurs prévarications, qu’il faut qu’ils soient pris dans l’ordre des laïques. » On sait les privilèges des ecclésiastiques dans ces temps-là.

Il ne faut pas croire que les droits dont les seigneurs jouissoient autrefois, et dont ils ne jouissent plus aujourd’hui, leur oient été ôtés comme des usurpations : plusieurs de ces droits ont été perdus par négligence ; et d’autres ont été abandonnés, parce que divers changements s’étant introduits dans le cours de plusieurs siècles, ils ne pouvoient subsister avec ces changements.