Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Chapitre XLV.

Des coutumes de France


La France étoit régie, comme j’ai dit, par des coutumes non écrites ; et les usages particuliers de chaque seigneurie formoient le droit civil. Chaque seigneurie avoit son droit civil, comme le dit Beaumanoir  ; et un droit si particulier, que cet auteur, qu’on doit regarder comme la lumière de ce temps-là, et une grande lumière, dit qu’il ne croit pas que dans tout le royaume il y eût deux seigneuries qui fussent gouvernées de tout point par la même loi.

Cette prodigieuse diversité avoit une première origine, et elle en avoit une seconde. Pour la première, on peut se souvenir de ce que j’ai dit ci-dessus au chapitre des coutumes locales  ; et, quant à la seconde, on la trouve dans les divers événements des combats judiciaires ; des cas continuellement fortuits devant introduire naturellement de nouveaux usages.

Ces coutumes-là étoient conservées dans la mémoire des vieillards ; mais il se forma peu à peu des lois ou des coutumes écrites.

1˚ Dans le commencement de la troisième race, les rois donnèrent des chartres particulières, et en donnèrent même de générales, de la manière dont je l’ai expliqué ci-dessus : tels sont les établissements de Philippe Auguste, et ceux que fit saint Louis. De même, les grands vassaux, de concert avec les seigneurs qui tenoient d’eux, donnèrent, dans les assises de leurs duchés ou comtés, de certaines chartres ou établissements,