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Chapitre XLIV.

De la preuve par témoins


Les juges, qui n’avoient d’autres règles que les usages, s’en enquéroient ordinairement par témoins, dans chaque question qui se présentoit.

Le combat judiciaire devenant moins en usage, on fit les enquêtes par écrit. Mais une preuve vocale mise par écrit n’est jamais qu’une preuve vocale ; cela ne faisoit qu’augmenter les frais de la procédure. On fit des règlements qui rendirent la plupart de ces enquêtes inutiles  ; on établit des registres publics, dans lesquels la plupart des faits se trouvoient prouvés : la noblesse, l’âge, la légitimité, le mariage. L’écriture est un témoin qui est difficilement corrompu. On fit rédiger par écrit les coutumes. Tout cela étoit bien raisonnable : il est plus aisé d’aller chercher dans les registres de baptême si Pierre est fils de Paul, que d’aller prouver ce fait par une longue enquête. Quand, dans un pays, il y a un très grand nombre d’usages, il est plus aisé de les écrire tous dans un code que d’obliger les particuliers à prouver chaque usage. Enfin, on fit la fameuse ordonnance qui défendit de recevoir la preuve par témoins pour une dette au-dessus de cent livres, à moins qu’il n’y eût un commencement de preuve par écrit.