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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/274

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couper en morceaux le débiteur insolvable, la justifie par son atrocité même, qui empêchait qu’on n’empruntât au-delà de ses facultés[1]. Les lois les plus cruelles seront donc les meilleures ? Le bien sera l’excès, et tous les rapports des choses seront détruits ?


Chapitre III.

Que, les lois qui paraissent s’éloigner des vues du législateur y sont souvent conformes.


La loi de Solon, qui déclarait infâmes tous ceux qui, dans une sédition, ne prendraient aucun parti, a paru bien extraordinaire : mais il faut faire attention aux circonstances dans lesquelles la Grèce se trouvait pour lors. Elle était partagée en de très petits États : il était à craindre que, dans une république travaillée par des dissensions civiles, les gens les plus prudents ne se missent à couvert, et que par là les choses ne fussent portées à l’extrémité.

Dans les séditions qui arrivaient dans ces petits États, le gros de la cité entrait dans la querelle, ou la faisait. Dans nos grandes monarchies, les partis sont formés par peu de gens, et le peuple voudrait vivre dans l’inaction. Dans ce cas, il est naturel de rappeler les séditieux au gros des citoyens, non pas le gros des citoyens aux séditieux : dans l’autre, il faut faire rentrer le petit nombre de gens sages et tranquilles parmi les séditieux : c’est ainsi que la fermentation d’une liqueur peut être arrêtée par une seule goutte d’une autre.

  1. Cécilius dit qu’il n’a jamais vu ni lu que cette peine eût été infligé : mais il y a apparence qu’elle n’a jamais été établi. L’opinion de quelques jurisconsultes, que la loi des douze-tables ne parlait que de la division du prix du débiteur vendu, est très-vraisembable.