Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/279

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malheurs, et la faiblesse le plus grand des crimes. La loi romaine abandonnait toutes ces belles idées ; elle n’était qu’une loi fiscale.

Du temps de la République, il n’y avait point de loi à Rome qui punît ceux qui se tuaient eux-mêmes : cette action, chez les historiens, est toujours prise en bonne part, et l’on n’y voit jamais de punition contre ceux qui l’ont faite.

Du temps des premiers empereurs, les grandes familles de Rome furent sans cesse exterminées par des jugements. La coutume s’introduisit de prévenir la condamnation par une mort volontaire. On y trouvait un grand avantage. On obtenait l’honneur de la sépulture, et les testaments étaient exécutés ; cela venait de ce qu’il n’y avait point de loi civile à Rome contre ceux qui se tuaient eux-mêmes. Mais lorsque les empereurs devinrent aussi avares qu’ils avaient été cruels, ils ne laissèrent plus à ceux dont ils voulaient se défaire le moyen de conserver leurs biens, et ils déclarèrent que ce serait un crime de s’ôter la vie par les remords d’un autre crime.

Ce que je dis du motif des empereurs est si vrai, qu’ils consentirent que les biens de ceux qui se seraient tués eux-mêmes ne fussent pas confisqués, lorsque le crime pour lequel ils s’étaient tués n’assujettissait point à la confiscation.