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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/278

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autre motif que chez les Romains. Chez ceux-ci, l’hérédité était jointe à de certains sacrifices qui devaient être faits par l’héritier, et qui étaient réglés par le droit des pontifes[1]. Cela fit qu’ils tinrent à déshonneur de mourir sans héritier, qu’ils prirent pour héritiers leurs esclaves, et qu’ils inventèrent les substitutions. La substitution vulgaire, qui fut la première inventée, et qui n’avait lieu que dans le cas où l’héritier institué n’accepterait pas l’hérédité, en est une grande preuve : elle n’avait point pour objet de perpétuer l’héritage dans une famille du même nom, mais de trouver quelqu’un qui acceptât l’héritage.


Chapitre IX

Que les lois grecques et romaines ont puni l’homicide de soi-même, sans avoir le même motif.


Un homme, dit Platon[2], qui a tué celui qui lui est étroitement lié, c’est-à-dire lui-même, non par ordre du magistrat, ni pour éviter l’ignominie, mais par faiblesse, sera puni. La loi romaine punissait cette action, lorsqu’elle n’avait pas été faite par faiblesse d’âme, par ennui de la vie, par impuissance de souffrir la douleur, mais par le désespoir de quelque crime. La loi romaine absolvait dans le cas où la grecque condamnait, et condamnait dans le cas où l’autre absolvait.

La loi de Platon était formée sur les institutions lacédémoniennes, où les ordres du magistrat étaient totalement absolus, où l’ignominie était le plus grand des

  1. Lorsque l’hérédité etait trop chargé , on éludoit le droit des pontifes par de certaines ventes, d’où vient le mot, sine sacris hæreditas.
  2. Liv. IX des lois.