Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/283

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Chapitre XIII.

Qu’il ne faut point séparer les lois de l’objet pour lequel elles sont faites. Des lois romaines sur le vol.


Lorsque le voleur était surpris avec la chose volée, avant qu’il l’eût portée dans le lieu où il avait résolu de la cacher, cela était appelé chez les Romains un vol manifeste ; quand le voleur n’était découvert qu’après, c’était un vol non manifeste.

La loi des Douze Tables ordonnait que le voleur manifeste fût battu de verges et réduit en servitude, s’il était pubère ; ou seulement battu de verges, s’il était impubère : elle ne condamnait le voleur non manifeste qu’au payement du double de la chose volée.

Lorsque la loi Porcia eut aboli l’usage de battre de verges les citoyens, et de les réduire en servitude, le voleur manifeste fut condamné au quadruple, et on continua à punir du double le voleur non manifeste.

Il paraît bizarre que ces lois missent une telle différence dans la qualité de ces deux crimes, et dans la peine qu’elles infligeaient : en effet, que le voleur fût surpris avant ou après avoir porté le vol dans le lieu de sa destination, c’était une circonstance qui ne changeait point la nature du crime. Je ne saurais douter que toute la théorie des lois romaines sur le vol ne fût tirée des institutions lacédémoniennes. Lycurgue, dans la vue de donner à ses citoyens de l’adresse, de la ruse et de l’activité, voulut qu’on exerçât les enfants au larcin, et qu’on fouettât rudement ceux qui s’y laisseraient surprendre : cela établit chez les Grecs, et ensuite chez les Romains, une grande