Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/284

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différence entre le vol manifeste et le vol non manifeste.

Chez les Romains, l’esclave qui avait volé était précipité de la roche Tarpéienne. Là, il n’était point question des institutions lacédémoniennes ; les lois de Lycurgue sur le vol n’avaient point été faites pour les esclaves ; c’était les suivre que de s’en écarter en ce point.

À Rome, lorsqu’un impubère avait été surpris dans le vol, le préteur le faisait battre de verges à sa volonté, comme on faisait à Lacédémone. Tout ceci venait de plus loin. Les Lacédémoniens avaient tiré ces usages des Crétois ; et Platon, qui veut prouver que les institutions des Crétois étaient faites pour la guerre, cite celle-ci : « La faculté de supporter la douleur dans les combats particuliers, et dans les larcins qui obligent de se cacher. »

Comme les lois civiles dépendent des lois politiques, parce que c’est toujours pour une société qu’elles sont faites, il serait bon que, quand on veut porter une loi civile d’une nation chez une autre, on examinât auparavant si elles ont toutes les deux les mêmes institutions et le même droit politique.


Ainsi, lorsque les lois sur le vol passèrent des Crétois aux Lacédémoniens, comme elles y passèrent avec le gouvernement et la constitution même, ces lois furent aussi sensées chez un de ces peuples qu’elles l’étaient chez l’autre. Mais, lorsque de Lacédémone elles furent portées à Rome, comme elles n’y trouvèrent pas la même constitution, elles y furent toujours étrangères, et n’eurent aucune liaison avec les autres lois civiles des Romains.