Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

choses, il ne faut point revenir à des expressions vagues. Dans l’ordonnance criminelle de Louis XIV, après qu’on a fait l’énumération exacte des cas royaux, on ajoute ces mots : « Et ceux dont de tout temps les juges royaux ont jugé » ; ce qui fait rentrer dans l’arbitraire dont on venait de sortir.

Charles VII dit qu’il apprend que des parties font appel, trois, quatre et six mois après le jugement, contre la coutume du royaume en pays coutumier : il ordonne qu’on appellera incontinent, à moins qu’il n’y ait fraude ou dol du procureur, ou qu’il n’y ait grande et évidente cause de relever l’appelant. La fin de cette loi détruit le commencement ; et elle le détruisit si bien que, dans la suite, on a appelé pendant trente ans.

La loi des Lombards ne veut pas qu’une femme qui a pris un habit de religieuse, quoiqu’elle ne soit pas consacrée, puisse se marier  : « car, dit-elle, si un époux, qui a engagé à lui une femme seulement par un anneau, ne peut pas sans crime en épouser une autre, à plus forte raison l’épouse de Dieu ou de la sainte Vierge… » Je dis que dans les lois il faut raisonner de la réalité à la réalité, et non pas de la réalité à la figure, ou de la figure à la réalité.

Une loi de Constantin veut que le témoignage seul de l’évêque suffise, sans ouïr d’autres témoins. Ce prince prenait un chemin bien court ; il jugeait des affaires par les personnes, et des personnes par les dignités.

Les lois ne doivent point être subtiles ; elles sont fai-