Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/289

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tes pour des gens de médiocre entendement : elles ne sont point un art de logique, mais la raison simple d’un père de famille.

Lorsque, dans une loi, les exceptions, limitations, modifications, ne sont point nécessaires, il vaut beaucoup mieux n’en point mettre. De pareils détails jettent dans de nouveaux détails.

Il ne faut point faire de changement dans une loi sans une raison suffisante. Justinien ordonna qu’un mari pourrait être répudié, sans que la femme perdît sa dot, si pendant deux ans il n’avait pu consommer le mariage. Il changea sa loi, et donna trois ans au pauvre malheureux. Mais, dans un cas pareil, deux ans en valent trois, et trois n’en valent pas plus que deux.

Lorsqu’on fait tant que de rendre raison d’une loi, il faut que cette raison soit digne d’elle. Une loi romaine décide qu’un aveugle ne peut pas plaider, parce qu’il ne voit pas les ornements de la magistrature. Il faut l’avoir fait exprès, pour donner une si mauvaise raison, quand il s’en présentait tant de bonnes.

Le jurisconsulte Paul dit que l’enfant naît parfait au septième mois, et que la raison des nombres de Pythagore semble le prouver. il est singulier qu’on juge ces choses sur la raison des nombres de Pythagore.

Quelques jurisconsultes français ont dit que, lorsque le roi acquérait quelque pays, les églises y devenaient sujettes au droit de régale parce que la couronne du roi est ronde. Je ne discuterai point ici les droits du roi, et si, dans ce cas, la raison de la loi civile ou ecclésiastique doit céder à la raison de la loi politique ; mais je dirai que des droits si respectables doivent être défendus par des maximes graves. Qui a jamais vu fonder sur la figure d’un signe d’une dignité, les droits réels de cette dignité ?