Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’on ne levât aucun droit de passage établi depuis la mort de Gontran, Sigebert et Chilpéric  ; c’est-à-dire, qu’il supprimait tout ce qui avait été fait pendant les régences de Frédégonde et de Brunehault : il défendit que ses troupeaux fussent menés dans les forêts des particuliers  : et nous allons voir tout à l’heure que la réforme fut encore plus générale, et s’étendit aux affaires civiles.


Chapitre II.

Comment le gouvernement civil fut réformé.


On avait vu jusqu’ici la nation donner des marques d’impatience et de légèreté sur le choix, ou sur la conduite de ses maîtres ; on l’avait vue régler les différends de ses maîtres entre eux, et leur imposer la nécessité de la paix. Mais, ce qu’on n’avait pas encore vu, la nation le fit pour lors : elle jeta les yeux sur sa situation actuelle ; elle examina ses lois de sang-froid ; elle pourvut à leur insuffisance ; elle arrêta la violence ; elle régla le pouvoir.

Les régences mâles, hardies et insolentes de Frédégonde et de Brunehault avaient moins étonné cette nation, qu’elles ne l’avaient avertie. Frédégonde avait défendu ses méchancetés par ses méchancetés mêmes ; elle avait justifié le poison et les assassinats par le poison et les assassinats ; elle s’était conduite de manière que ses attentats étaient encore plus particuliers que publics. Frédégonde fit plus de maux, Brunehault en fit craindre davantage. Dans cette crise, la nation ne se contenta pas de mettre ordre au gouvernement féodal, elle voulut aussi assurer son gouvernement civil : car celui-ci était encore plus corrompu que l’autre ; et cette corruption était d’autant plus dangereuse qu’elle était plus