Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Chapitre IX.

Comment les biens ecclésiastiques furent convertis en fiefs.


Les biens fiscaux n’auraient dû avoir d’autre destination que de servir aux dons que les rois pouvaient faire pour inviter les Francs à de nouvelles entreprises, lesquelles augmentaient d’un autre côté les biens fiscaux ; et cela était, comme j’ai dit, l’esprit de la nation ; mais les dons prirent un autre cours. Nous avons un discours de Chilpéric, petit-fils de Clovis, qui se plaignait déjà que ses biens avaient été presque tous donnés aux églises. « Notre fisc est devenu pauvre, disait-il ; nos richesses ont été transportées aux églises. Il n’y a plus que les évêques qui règnent ; ils sont dans la grandeur, et nous n’y sommes plus. »

Cela fit que les maires, qui n’osaient attaquer les seigneurs, dépouillèrent les églises : et une des raisons qu’allégua Pépin pour entrer en Neustrie, fut qu’il y avait été invité par les ecclésiastiques, pour arrêter les entreprises des rois, c’est-à-dire des maires, qui privaient l’Église de tous ses biens.

Les maires d’Austrasie, c’est-à-dire la maison des Pépins, avaient traité l’Église avec plus de modération qu’on n’avait fait en Neustrie et en Bourgogne ; et cela est bien clair par nos chroniques, où les moines