Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/375

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trer, pour ainsi dire, dans la monarchie féodale, parce qu’on n’avait plus la monarchie politique.

Ceci continua dans la troisième race, comme on le voit par plusieurs chartres  ; soit qu’on donnât son alleu, et qu’on le reprit par le même acte ; soit qu’on le déclarât alleu, et qu’on le reconnût en fief. on appelait ces fiefs, fiefs de reprise.

Cela ne signifie pas que ceux qui avaient des fiefs les gouvernassent en bons pères de famille ; et, quoique les hommes libres cherchassent beaucoup à avoir des fiefs, ils traitaient ce genre de biens comme on administre aujourd’hui les usufruits. C’est ce qui fit faire à Charlemagne, prince le plus vigilant et le plus attentif que nous ayons eu, bien des règlements pour empêcher qu’on ne dégradât les fiefs en faveur de ses propriétés. Cela prouve seulement que de son temps la plupart des bénéfices étaient encore à vie, et que par conséquent on prenait plus de soin des alleus que des bénéfices ; mais cela n’empêche pas que l’on n’aimât encore mieux être vassal du roi qu’homme libre. On pouvait avoir des raisons pour disposer d’une certaine portion particulière d’un fief ; mais on ne voulait pas perdre sa dignité même.

Je sais bien encore que Charlemagne se plaint, dans un capitulaire, que, dans quelques lieux, il y avait des gens qui donnaient leurs fiefs en propriété, et les rachetaient ensuite en propriété. Mais je ne dis point qu’on n’aimât mieux une propriété qu’un usufruit : je dis seulement que, lorsqu’on pouvait faire d’un alleu un fief qui passât aux héritiers, ce qui est le cas de la formule dont j’ai parlé, on avait de grands avantages à le faire.