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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/378

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vèrent le moyen de leur donner tous leurs biens, ils ne trouvèrent pas moins celui de les leur ôter. La piété fit fonder les églises dans la première race ; mais l’esprit militaire les fit donner aux gens de guerre, qui les partagèrent à leurs enfants. Combien ne sortit-il pas de terres de la mense du clergé ! Les rois de la seconde race ouvrirent leurs mains, et firent encore d’immenses libéralités ; les Normands arrivent, pillent et ravagent, persécutent surtout les prêtres et les moines, cherchent les abbayes, regardent où ils trouveront quelque lieu religieux : car ils attribuaient aux ecclésiastiques la destruction de leurs idoles, et toutes les violences de Charlemagne, qui les avait obligés les uns après les autres de se réfugier dans le Nord. C’étaient des haines que quarante ou cinquante années n’avaient pu leur faire oublier. Dans cet état des choses, combien le clergé perdit-il de biens ! À peine y avait-il des ecclésiastiques pour les redemander. Il resta donc encore à la piété de la troisième race assez de fondations à faire et de terres à donner : les opinions répandues et crues dans ces temps-là auraient privé les laïques de tout leur bien, s’ils avaient été assez honnêtes gens. Mais si les ecclésiastiques avaient de l’ambition, les laïques en avaient aussi : si le mourant donnait, le successeur voulait reprendre. On ne voit que querelles entre les seigneurs et les évêques, les gentilshommes et les abbés ; et il fallait qu’on pressât vivement les ecclésiastiques, puisqu’ils furent obligés de se mettre sous la protection de certains seigneurs, qui les défendaient pour un moment, et les opprimaient après.

Déjà une meilleure police, qui s’établissait dans le cours de la troisième race, permettait aux ecclésiastiques d’augmenter leur bien. Les calvinistes parurent, et firent battre de la monnaie de tout ce qui se trouva d’or et d’argent dans les églises. Comment le clergé aurait-il été assuré de sa fortune ? il ne l’était pas de son existence. Il traitait des matières de controverse, et l’on brûlait ses archives. Que servit-il de redemander à une noblesse toujours ruinée ce qu’elle n’avait