Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/396

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confusion, des scrupules et des équivoques dans l’obéissance ; c’était confondre les droits divers des princes, dans un temps surtout où les forteresses étant rares, le premier rempart de l’autorité était la foi promise et la foi reçue.

Les enfants de l’empereur, pour maintenir leurs partages, sollicitèrent le clergé, et lui donnèrent des droits inouïs jusqu’alors. Ces droits étaient spécieux ; on faisait entrer le clergé en garantie d’une chose qu’on avait voulu qu’il autorisât. Agobard représenta à Louis le Débonnaire qu’il avait envoyé Lothaire à Rome pour le faire déclarer empereur ; qu’il avait fait des partages à ses enfants, après avoir consulté le ciel par trois jours de jeûnes et de prières. Que pouvait faire un prince superstitieux, attaqué d’ailleurs par la superstition même ? On sent quel échec l’autorité souveraine reçut deux fois, par la prison de ce prince et sa pénitence publique. On avait voulu dégrader le roi, on dégrada la royauté.

On a d’abord de la peine à comprendre comment un prince, qui avait plusieurs bonnes qualités, qui ne manquait pas de lumières, qui aimait naturellement le bien, et, pour tout dire enfin, le fils de Charlemagne, put avoir des ennemis si nombreux, si violents, si irréconciliables, si ardents à l’offenser, si insolents dans son humiliation, si déterminés à le perdre ; et ils l’auraient perdu deux fois sans retour, si ses enfants, dans le fond plus honnêtes gens qu’eux, eussent pu suivre un projet, et convenir de quelque chose.