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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/48

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guerre punique, le denier romain ne valoit plus que vingt once de cuivre[1]; & qu’ainsi, la proportion entre l’argent & le cuivre n’étoit plus que comme 1 est à 160. La réduction étoit bien considérable, puisque la république gagna cinq sixiemes sur toute la monnoie de cuivre : mais on ne fit que ce que demandoit la nature des choses, & rétablir la proportion entre les métaux qui servoient de monnoie.

La paix, qui termina la premiere guerre punique, avoit laissé les Romains maîtres de la Sicile. Bientôt ils entrerent en Sardaigne, ils commencerent à connoître l’Espagne : la masse de l’argent augmenta encore à Rome ; on y fit l’opération qui réduisit le denier d’argent de vingt once à seize[2]; & elle eut cet effet, qu’elle remit en proportion l’argent & le cuivre : cette proportion étoit comme 1 est à 160 ; elle fut comme 1 est à 128.

Examinez les Romains ; vous ne trouverez jamais si supérieurs, que dans le choix des circonstances dans lesquelles ils firent les biens et les maux.


CHAPITRE XIII.

Opérations sur les monnoies, du temps des empereurs.


DANS les opérations que l’on fit sur les monnoies du temps de la république, on procéda par voie de retranchement ; l’état confioit au peuple ses besoins, & ne prétendoit pas le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d’alliage : ces princes, réduits au désespoir par leurs libéralités mêmes, se virent obligés d’altérer les monnoies ; voie indirecte, qui diminuoit le mal, & sembloit ne le pas toucher : on retiroit une partie du don,

  1. Pline, histoire naturelle, liv. XXXIII, art. 13.
  2. Ibid.