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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/49

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& on cachoit la main ; &, sans parler de diminution de la paie ou des largesses, elles se trouvoient diminuées.

On voit encore, dans les cabinets[1], des médailles qu’on appelle fourrées, qui n’ont qu’une lame d’argent qui couvre le cuivre. Il est parlé de cette monnoie dans un fragment du livre LXXVII de Dion[2].

Didius Julien commença l’affoiblissement. On trouve que la monnoie de Caracalla[3] avoit plus de la moitié d’alliage ; celle d’Alexandre Sévere[4] les deux tiers : l’affoiblissement continua ; &, sous Galien[5], on ne voyoit plus que du cuivre argenté.

On sent que ces opérations violentes ne sçauroient avoir lieu dans ces temps-ci ; un prince se tromperoit lui-même, & ne tromperoit personne. Le change a appris au banquier à comparer toutes les monnoies du monde, & à les mettre à leur juste valeur ; le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un prince commence le billon, tout le monde continue, & le fait pour lui ; les especes fortes sortent d’abord, & on les lui renvoie foibles. Si, comme les empereurs Romains, il affoiblissoit l’argent, sans affoiblir l’or, il verroit tout-à-coup disparoître l’or, & il seroit réduit à son mauvais argent. Le change, comme j’ai dit au livre précédent[6], a ôté les grands coups d’autorité ; du moins le succès des grands coups d’autorité.


  1. Voyez la science des médailles, du pere Joubert, édit. de Paris, 1730, page 59.
  2. Extraits des vertus & des vices.
  3. Voyez Savotte, part. 2, ch. XII ; & le journal des sçavans, du 28 juillet 1681, sur une découverte de 50000 médailles.
  4. Id. Ibid.
  5. Id. Ibid.
  6. Chap. XVI.