Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/68

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sidérable dans les démocraties, où elle emportoit avec elle la souveraine puissance, il s’y faisoit souvent des loix sur l’état des batards, qui avoient moins de rapport à la chose même & à l’honnêteté du mariage, qu’à la constitution particulière de la république. Ainsi le peuple a quelquefois reçu pour citoyens les batards[1], afin d’augmenter sa puissance contre les grands. Ainsi à Athènes, le peuple retrancha les bâtards du nombre des citoyens, pour avoir une plus grande portion du bled que lui avoit envoyé le roi d’Egypte. Enfin, Aristote[2] nous apprend que, dans plusieurs villes, lorsqu’il n’y avoit point assez de citoyens, les bâtards succédoient ; & que, quand il y en avoit assez, ils ne succédoient pas.


CHAPITRE VII.

Du consentement des peres aux mariages.


LE consentement des peres est fondé sur leur puissance, c’est-à-dire, sur leur droit de propriété : il est encore fondé sur leur amour, sur leur raison, & sur l’incertitude de celle de leurs enfans, que l’âge tient dans l’état d’ignorance, & les passions dans l’état d’ivresse.

Dans les petites républiques ou institutions singulieres dont nous avons parlé, il peut y avoir des loix qui donnent aux magistrats une inspection sur les mariages des enfans des citoyens, que la nature avoit déjà donnée aux peres. L’amour du bien public y peut être tel, qu’il égale, ou surpasse tout autre amour. Ainsi Platon vouloit que les magistrats réglassent les mariages : ainsi les magistrats Lacédémoniens les dirigeoient-ils.

Mais, dans les institutions ordinaires, c’est aux peres à marier leurs enfans : leur prudence, à cet égard,

  1. Voyez Aristote, politique, liv. VI, chap. IV.
  2. Ibid. liv. III, chap. III.