Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/87

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seulement les sénateurs, mais encore ceux qui avoient un rang considérable dans l’état, sans parler de ceux qui étoient d’une condition inférieure ; cela forma le droit de ce temps-là : il n’y eut plus que les ingénus, compris dans la loi de Constantin, à qui de tels mariages fussent défendus. Justinien abrogea encore la loi de Constantin[1], & permit à toutes sortes de personnes de contracter ces mariages : c’est par-là que nous avons acquis une liberté si triste.

Il est clair que les peines portées contre ceux qui se marioient contre la défense de la loi, étoient les mêmes que celles portées contre ceux qui ne se marioient point du tout. Ces mariages ne leur donnoient aucun avantage civil[2] : la dot[3] étoit caduque après la mort de la femme[4].

Auguste ayant adjugé au trésor public les successions & les legs de ceux que ces loix en déclaroient incapables[5], ces loix parurent plutôt fiscales, que politiques & civiles. Le dégoût que l’on avoit déjà pour une chose qui paroissoit accablante, fut augmenté par celui de se voir continuellement en proie à l’avidité du fisc. Cela fit que, sous Tibere, on fut obligé de modifier ces loix[6] ; que Néron diminua les récompenses des délateurs au fisc[7] ; que Trajan arrêta leurs brigandages[8]; que Sévere modifia ces loix[9] ; & que les


  1. Novel, 117.
  2. Loi XXXVII, §. 7, ff. de operib. libertorum, fragm. d’Ulpien, tit. 16, §. 2.
  3. Fragm. ibid.
  4. Voyez ci-dessous le chapitre XIII du liv. XXVI.
  5. Excepté dans de certains cas. Voyez les fragm. d’Ulpien, tit. 18 ; & la loi unique, au cod. de caduc, tollend.
  6. Relatum de moderandâ Pappid Poppœd. Tacite, annal. liv. III, pag. 117.
  7. Il les reduisit à la quatrieme partie. Suétone, in Nerone, chap. X.
  8. Voyez le panégyrique de Pline.
  9. Sévere recula jusqu’à vingt-cinq ans pour les mâles, & vingt pour les filles, le temps des dispositions de la loi Pappienne, comme on le voit en conférant le fragm. d’Ulpien, tit. 16, avec ce que dit Tertullien, apologét. chap. IV.