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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/92

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On trouve encore, dans Denys d’Halicarnasse, que la loi qui ordonnoit aux citoyens de se marier, & d’élever tous leurs enfans, étoit en vigueur l’an 277 de Rome[1] : on voit que l’usage avoit restreint la loi de Romulus, qui permettoit d’exposer les filles cadettes.

Nous n’avons de connoissance de ce que la loi des douze-tables, donnée l’an de Rome 301, statua sur l’exposition des enfans, que par un passage de Cicéron[2], qui, parlant du tribunat du peuple, dit que d’abord après sa naissance, tel que l’enfant monstrueux de la loi des douze-tables, il fut étouffé : les enfans qui n’étoient pas monstrueux étoient donc conservés, & la loi des douze-tables ne changea rien aux institutions précédentes.

"Les Germains, dit Tacite[3], n’exposent point leurs enfans ; &, chez eux, les bonnes mœurs ont plus de force que n’ont ailleurs les bonnes loix." Il y avoit donc, chez les Romains, des loix contre cet usage, & on ne les suivoit plus. On ne trouve aucune loi Romaine qui permette d’exposer les enfans[4]: ce fut, sans doute, un abus introduit dans les derniers temps, lorsque le luxe ôta l’aisance, lorsque les richesses partagées furent appellées pauvreté, lorsque le pere crut avoir perdu ce qu’il donna à sa famille, & qu’il distingua cette famille de sa propriété.


CHAPITRE XXIII.

De l’état de l’univers, après la destruction des Romains.


LES réglemens que firent les Romains, pour augmenter le nombre de leurs citoyens, eurent leur effet, pen-

  1. Liv. IX.
  2. Liv. III de legib.
  3. De moribus Germanorum.
  4. Il n’y a point de titre là-dessus dans le digeste : le titre du code n’en dit rien, non plus que les novelles.