Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/36

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la Pythie : mais Vénus elle-même écoute les mortels, sans se jouer de leurs espérances ni de leurs craintes.

Une coquette de l’île de Crète était venue à Gnide : elle marchait entourée de tous les jeunes Gnidiens ; elle souriait à l’un, parlait à l’oreille à l’autre, soutenait son bras sur un troisième, criait à deux autres de la suivre. Elle était belle et parée avec art ; le son de sa voix était imposteur comme ses yeux. Ô ciel ! que d’alarmes ne causa-t-elle point aux vraies amantes ! Elle se présenta à l’oracle, aussi fière que les déesses ; mais soudain nous entendîmes une voix qui sortait du sanctuaire : Perfide, comment oses-tu porter tes artifices jusque dans les lieux où je règne avec la candeur ? Je vais te punir d’une manière cruelle ; je t’ôterai tes charmes, mais je te laisserai le cœur comme il est. Tu appelleras tous les hommes que tu verras ; ils te fuiront comme une ombre plaintive, et tu mourras accablée de refus et de mépris.

Une courtisane de Nocrétis vint ensuite, toute brillante des dépouilles de ses amans. Va, dit la déesse, tu te trompes, si tu crois faire la gloire de mon empire : ta beauté fait voir qu’il y a des plaisirs, mais elle ne les donne pas. Ton cœur est comme le fer ; et quand tu verrais mon fils même,