Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/37

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tu ne saurais l’aimer. Va prodiguer tes faveurs aux hommes lâches qui les demandent, et qui s’en dégoûtent ; va leur montrer tes charmes, que l’on voit soudain, et que l’on perd pour toujours. Tu n’es propre qu’à faire mépriser ma puissance.

Quelque temps après, vint un homme riche, qui levait les tributs du roi de Lydie. Tu me demandes, dit la déesse, une chose que je ne saurais faire, quoique je sois la déesse de l’amour. Tu achètes des beautés pour les aimer ; mais tu ne les aimes pas, parce que tu les achètes. Tes trésors ne te seront point inutiles ; ils serviront à te dégoûter de tout ce qu’il y a de plus charmant dans la nature.

Un jeune homme de Doride, nommé Aristée, se présenta ensuite. Il avait vu à Gnide la charmante Camille ; il en était éperdument amoureux : il sentait tout l’excès de son amour, et il venait demander à Vénus qu’il pût l’aimer davantage.

Je connais ton cœur, lui dit la déesse : tu sais aimer. J’ai trouvé Camille digne de toi : j’aurais pu la donner au plus grand roi du monde ; mais les rois la méritent moins que les bergers.

Je parus ensuite avec Thémire. La déesse me dit : Il n’y a point dans mon empire de mortel qui me soit plus soumis que toi. Mais que veux-tu